Boucle de randonnée pédestre de 16 km au départ de la Ville de Vimoutiers.
Sur ce circuit dont le thème est la Seconde Guerre mondiale, vous découvrirez le moulin et le Vieux Couvent de Vimoutiers, avant d’arriver sur la Voie Verte surplombant la ville, jusqu’au Char Tigre. Sur le circuit, une demeure privée joua un rôle essentiel dans les heures et les mois qui suivirent le bombardement du 14 juin 1944 : elle fut transformée en hôpital de fortune après les bombardements de Vimoutiers.
Près de 600 blessés civils et militaires y furent soignés.
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Voici quelques étapes du circuit :
Le Moulin de Vimoutiers
Ce moulin à eau, construit sur la rivière La Vie en 1336 par les moines de Jumièges, était à l’origine un moulin à tan pour les tanneries locales. Un autre moulin, à farine, se situait à quelques rues de là. En 1752, le moulin à tan pris le relais et commença à fabriquer de la farine. A partir de la Première Guerre mondiale, il sert à fabriquer de la farine d’orge pour les animaux.
Sous l’Occupation, les Allemands le mettent sous scellés pour en conserver l’exclusivité.
Au matin du 14 juin 1944, lors des bombardements alliés, son emplacement permet de sauver une partie des habitants qui se réfugie en-dessous, dans la rivière. En effet, l’église – et le moulin qui la jouxte – est épargnée car elle sert de point de repère aux aviateurs.
le moulin est attesté dès 1336 (le droit d’eau date de cette époque) et fut remanié en 1847 par le roi Louis Philippe. Son mécanisme a été conservé : meules, chaîne à godets, bluterie. Une turbine Françis a été installée en 1928 : 17,4 chevaux à 110 tours minute. Le dernier meunier a cessé de moudre en 1995.
Il est aujourd’hui en parfait état de marche et a conservé ses anciens matériel et accessoires : brosse, séparateur, nettoyeur, meules, bluterie, pétrin, four à pain au bois.
Propriété privée.
Les vestiges du Vieux Couvent
Le couvent de bénédictines est fondé en 1635 à Livarot puis transféré à Vimoutiers. Celui-ci est construit au début du XVIIe siècle par Nicolas de James, seigneur de La Meilleraie. De cette nouvelle construction, il subsiste aujourd'hui le porche et les portes d’entrée. Anne d’Autriche Reine de France autorisa en 1651 l’établissement d’un couvent des Bénédictines et d’une école en activité de 1650 à la Révolution.
Le couvent atteint son plus grand développement au début du XVIIIe siècle, avec 30 religieuses. Les bénédictines le quittent en 1792 lors de la Révolution Française, et le couvent est mis en vente en 1793.
La construction du couvent s’organisa autour d’un logis fortifié à pans de bois bâti environ un siècle plus tôt sous le règne d’Henri III. On y voit encore quatre arbalétrières. D’abord destiné à défendre la Ville, il sera transformé en demeure aristocratique au XVIIIème siècle. Sa façade, sa toiture et son escalier intérieur à vis sont protégés au titre des Monuments historiques depuis 1985.
Le logis qui témoigne de la qualité de l’architecture urbaine à Vimoutiers au XVIème siècle est la plus ancienne construction de la Ville.
Propriété privée. Ne se visite pas.
Les bombardements de Vimoutiers
Le 7 juin 1944, au lendemain du débarquement, de multiples raids aériens ciblent des communes de Normandie pouvant servir de carrefour routier aux renforts allemands pour atteindre la côte : la gare ferroviaire de Vimoutiers n’est pas épargnée par les Alliés. Moins d’une semaine plus tard, le 14 juin à 7 heures 45, un nouveau bombardement touche cette fois le centre du village : 16 appareils Marauder B-26 larguent leurs bombes, dont certaines n’explosent qu’en soirée. La population, qui avait été invitée à s’abriter en campagne avant le Jour-J via le largage de tracts, avait alors regagné ses logements après plusieurs journées sans raids. Plus de 170 habitants sont tués et 376 habitations sont détruites. L’hôpital ayant été endommagé suite à ce bombardement, une partie des 400 blessés sont accueillis au château de Vimer à Guerquesalles.
A compter de la mi-août, le village assiste à la déroute de plusieurs centaines de soldats et véhicules allemands de la 7e armée qui cherchent à échapper à la nasse que les Alliés se refermant progressivement sur eux. Le 20 août, tous les blindés disponibles dans le secteur de Vimoutiers sont engagés dans une contre-attaque désespérée en direction de Trun : les équipages, harcelés par l’aviation alliée et régulièrement engagés contre leurs adversaires ne ménagent pas leur moteur : plusieurs d’entre eux rencontrent des pannes mécaniques suite à des surchauffes, d’autres n’ont tout simplement plus de carburant, les pentes successives ayant eu raison de la consommation excessives des engins. Cinq chars du SS Schwere Panzer-Abteilung 102 sont ainsi abandonnés par leur équipage à la sortie de Vimoutiers en direction de Gacé, après avoir été sommairement neutralisés. L’un d’entre eux, le char Tigre I numéroté « 224 » et commandé par le SS-Unterscharführer Herbert Reisske, est toujours visible aujourd’hui, à quelques mètres de l’endroit où il a stoppé sa route.
Le 21 août, le 2e corps canadien du Lieutenant General Guy Simonds cherche à fermer cette porte de sortie en se dirigeant vers Gacé. Au préalable, il donne l’ordre à la 2nd Infantry Division de s’emparer de Vimoutiers et de sécuriser un point de franchissement sur la Vie. Après une longue infiltration à travers le bocage dense, le régiment du Black Watch (Royal Highland Regiment) of Canada aborde la commune en milieu d’après-midi. Vers 19 heures 15, le 3e bataillon entame la reconnaissance de Vimoutiers et confirme que le pont est intact. Il doit néanmoins repousser plusieurs fantassins allemands chargés d’y ralentir la progression alliée. En fin de journée, à 22 heures 26, les unités de reconnaissance du 18th Armoured Car Regiment prennent position dans le village pour la nuit.
Durant les quarante-huit heures suivantes, les combats se poursuivent aux abords de Vimoutiers, toujours à portée de l’artillerie allemande. Le régiment canadien de la Chaudière traverse à son tour la commune le 22 août vers 20 heures. Incapables de tenir le terrain, les Allemands effectuent des tirs d’harcèlement pour maintenir la pression sur les Alliés : ces derniers continuent d’enregistrer d’importantes pertes : le 1er bataillon du Black Watch rend compte de la perte de 34 des siens durant la seule journée du 23 août en raison de ces tirs.
La Libération de Guerquesalles
Guerquesalles n’est qu’à une portée de canon de Chambois où se profile la débâcle de l’armée allemande. C’est la fin de la Bataille de Normandie. Les troupes allemandes, encerclées par les Alliés, dans ce qu’on appelle communément mais injustement « la poche de Falaise », n’ont qu’une seule issue pour gagner le nord : les routes de Camembert, Champosoult, Guerquesalles.
Pendant ce retrait, les Allemands vont perdre près de 10 000 hommes, chevaux et quantité de matériels, tous abandonnés dans un sauve-qui-peut général.
Comme toute armée en débandade, les individus sont livrés à eux-mêmes. harcelés, affamés, déboussolés, ces soldats ne maîtrisent pas leurs réactions ; d’autant plus que la plupart ne sont que des gamins d’une vingtaine d’années. Il est préférable de ne pas se mettre en travers de leur chemin. Des habitants ont dû laisser leur lit ou leur repas aux fuyards. Toute tentative de s’opposer risque d’entraîner la mort.
Comme si les exactions de l’occupant ne suffisent pas, la Milice est toujours active. Dans les jours précédents, le dénommé Jardin, supplétif de la Gestapo dans l’Orne, est venu avec ses sbires « cueillir » un résistant, sur dénonciation. Jean Chorin a toujours dans la tête le bruit de la rafale qui a abattu Pierre Lorca : « j’étais dans la ferme familiale qui jouxte le manoir de la Cocardière. Il est sorti par l’arrière quand il s’est rendu compte de la présence des miliciens. Mais ils l’ont abattu dans la cour. »
Pendant la dernière semaine, au plus fort des combats, beaucoup de ces habitants instruits par la destruction de Vimoutiers, n’osent plus dormir chez eux et se réfugient dans les boves, terme augeron pour désigner les grottes qui abondent dans ces coteaux calcaires. « On était parfois une vingtaine de personnes des fermes aux alentours. » Et de citer : « les Bidart, les Duguet, toutes générations confondues, et puis aussi des employés, des réfugiés. On ne sortait que pour aller traire les vaches. On mangeait de la bouillie et on dormait sur des paillasses. La pauvre Mme Duguet, la grand mère, est restée tout le temps assise sur une chane, le bidon à lait de l’époque, tout près de l’entrée de la bove, n’osant ni entrer ni sortir, complètement tétanisée. »
« Un soir, des S.S. sont venus. Ils ont braqué leurs torches électriques sur nous. Ils cherchaient des aviateurs. Notre chien leur aboyait dessus. Impossible de le calmer Dieu que j’ai eu peur ! Et puis, ils sont partis. »
« Dans la matinée du 22 août, nous voyons une colonne de chars alliés s’avancer dans la vallée. Nous sommes descendus ; en gesticulant et criant de joie. Mais le premier char a dirigé son canon vers nous. Nous nous sommes égaillés comme des moineaux. Puis, nous nous sommes approchés doucement et c’est comme ça que nous avons pris notre premier contact avec les libérateurs. »
Mme Caratéro évoque ces images avec émotion mais ce qui lui revient le plus en tête « est le silence pesant qui régnait dans cet enfer. Même les oiseaux ne chantaient plus. »
La topographie du Pays d’Auge, ses chemins creux offrent des protections naturelles pour les soldats en fuite. Dans le ciel, l’aviation alliée traque, implacablement et indistinctement, tous les déplacements de l’occupant et des habitants.
Les Allemands, pour se défendre au mieux, ont truffé les vallées de la Vie et de la Viette de poste de D.C.A. Plus de 13 avions vont ainsi tomber sous les tirs de l’artillerie allemande.
Dans ces derniers jours de combat, les Allemands vont eux aussi installer un hôpital de campagne, non loin de l’église de Guerquesalles, en bordure de la Vie. Localisation paradoxale pour nombre de ces soldats qui vont la perdre. Des corps seront abandonnés, et brûlés après la Libération ; la décomposition des cadavres ne permettant pas de de les enterrer.
Les combats les plus intenses sur la commune ont eu lieu dans les après-midi du 18 et 19 août. Le ciel clair et dégagé assure à la chasse alliée une maîtrise totale sur ciel et sur terre.
Maurice Blondeau a pu recenser les pertes ennemies, de l’église du village (Guerquesalles) au château de Vimer : 22 véhicules automobiles et hippomobiles, car aussi étonnant que cela puisse paraître les chevaux étaient beaucoup utilisés dans l’armée allemande, sont détruits ou abandonnés. Tout ceci sur un portion de route d’à peine 3 km ; sans compter les victimes humaines. Ce spectacle d’horreur et de désolation se déroule bien évidemment de cette façon sur toutes les routes environnantes.
Du 15 au 22 août, la campagne est devenue un enfer pour tous. Pour certains c’est la défaite, l’emprisonnement ou la mort qui les attends ; pour les autres la délivrance.
Ce matin du 22 août, au lever du jour, Jean Chorin mène un cheval au pré, au Petit Vaumèle. Tout à coup, les oreilles de l’animal se dressent. Des hommes en armes jaillissent. Ils portent des casques anglais mais ce sont des Canadiens. Malgré l’accent québécois nouveau pour lui, la communication s’établit très vite.
M. Chorin les informe de la présence de trois aviateurs américains, cachés dans une ferme voisine, chez Henri et Marie Catrain, depuis une dizaine de jours. Il se propose de les guider : « je sifflais Auprès de ma Blonde. C’était le code convenu pour les ravitailler en toute sécurité. Je n’étais pas rassuré car il y avait encore des soldats ennemis qui passaient dans le chemin du buisson qui borde la ferme. » Il s’ensuit des retrouvailles chaleureuses pour ces hommes venus de l’autre côté de l’Atlantique.
Jean Chorin garde un souvenir ému des époux Catrain, qui ont fait leur devoir en toute modestie, sans jamais le revendiquer.
A la tempête succède le calme. Après ce déluge de feu, un seul soldat canadien, en motocyclette, « libère » Vimer. Accueilli sous des hourras que l’on devine aisément, il est porté en triomphe par les habitants. Loin de savourer ce triomphe, il demande surtout à pouvoir se laver et se restaurer. Pendant que tous le regardent manger « des tomates du potager », se souvient précisément Paul Rébulard, un déserteur allemand, en civil, que des habitants hébergent « emprunte » la moto. On aurait pu penser que c’était pour s’enfuir. Mais non, notre homme n’a tout simplement pu résister au plaisir de faire une virée ; acte totalement insensé s’il en est, où dans cette atmosphère irréelle, tout est possible.
Une nouvelle ère allait s’ouvrir pour tous ces hommes et femmes, encore pleine de difficultés, de peine et de malheur à venir.
Témoignages recueillis par Didier Goret.