Le culte à Saint Michel
« Prince de la milice céleste » , l’archange saint Michel, dont le nom signifie « Qui est comme Dieu ? » est le premier des archanges.
Il est celui qui dans l’Apocalypse de saint Jean précipite Satan et ses anges rebelles dans l’abîme.
Protecteur du peuple hébreu dans l’Ancien Testament, il est devenu le défenseur de l’Eglise et de la France. Mais aux yeux des hommes inquiets de leur salut dans l’Au-delà, l’Archange est un protecteur idéal car prévôt du Paradis, il est celui qui pèse les âmes au jour du Jugement.
L’iconographie abondante de saint Michel illustre cette double fonction. Peseur des âmes, il est représenté aux portes du Ciel, la balance à la main séparant les élus des damnés.
Guerrier, il terrasse le Démon sous la forme d’un dragon à mi-chemin
entre l’homme et la Bête. Jusqu’au XIVe siècle, l’Archange, le regard lointain, est représenté en aube, armé d’une lance et d’un écu.
Au XVe siècle, saint Michel, dont le célèbre sanctuaire a résisté aux assauts des Anglais lors de la Guerre de Cent ans, revêt la tenue militaire du chevalier. Il brandit l’épée de la main droite et de la main gauche, il tient l’écu qui le protège des attaques de la Bête, se débattant sous ses pieds. L’Archange est souvent représenté sous les traits d’un jeune homme imberbe, image de perfection et de jeunesse.
La Renaissance et l’époque Classique (XVIIe-XVIIIe siècles) le représentent, « à l’Antique », revêtu du costume militaire romain.
Originaire d’Orient, le culte de saint Michel s’est répandu à Byzance puis en Italie où le pape Grégoire le Grand lui consacre, à la suite d’une vision, le Château Saint-Ange à Rome.
Mais le sanctuaire italien le plus important, le Monte Gargano, se trouve dans le sud de la péninsule (les Pouilles). Ce lieu de culte, consacré le 8 mai 492, inspira un grand nombre de sanctuaires dont le Mont-Saint-Michel lui-même.
A l’image du Michael’s Mount en Cornouailles, de la Sacra di San Michele dans le Piémont ou de la chapelle Saint-Michel d’Aiguilhe au Puy-en-Velay, les lieux dédiés à l’Archange se trouvent ainsi sur des sites élevés, à mi-chemin entre le ciel et la terre.
Mais c’est avec le sanctuaire normand, construit aux confins de l’Occident, que le culte à saint Michel connaîtra son développement le plus extraordinaire.
Le Mont-Saint-Michel, sanctuaire
La légende raconte comment l’archange saint Michel apparut trois fois en songe à l’évêque d’Avranches Aubert pour lui demander d’édifier au sommet du « Mont Tombe » une église en son honneur.
Construite sur le modèle du sanctuaire italien du Monte Gargano (Ve siècle), cette première église fut consacrée par l’évêque le 16 octobre 709 et, desservie par douze prêtres ; elle attira très vite un grand nombre de pèlerins.
En 966, le duc de Normandie Richard Ier remplaça ces prêtres par des moines bénédictins venus de l’abbaye de Saint-Wandrille près de Rouen.
Visitée par les rois et par les foules venues de toute l’Europe, l’abbaye connaît au Moyen-Age une grande renommée.
Les formidables constructions entreprises entre le XIe et le XVe siècle témoignent de sa prospérité. Elle fut aussi ravagée à plusieurs reprises par le feu du ciel et la fureur des hommes.
Assiégé en vain par les Anglais pendant près de trente ans, le Mont-Saint-Michel, défendu par cent dix-neuf chevaliers, fut, durant la Guerre de Cent Ans, considéré comme le symbole héroïque de la résistance nationale.
Mais à partir du milieu du XVIe siècle, le Mont perd de son intérêt militaire et religieux. Malgré sa réforme en 1622 par la congrégation de Saint-Maur, l’abbaye n’abrite plus qu’une poignée de religieux et quelques prisonniers enfermés sur lettre de cachet dans la « bastille des mers ».
La Révolution chassa en 1790 les moines et fit du « Mont libre » une prison pour les prêtres réfractaires. Prison d’Etat jusqu’en 1863, l’abbaye saccagée abrita plusieurs centaines de prisonniers dans des conditions épouvantables.
Classée Monument historique en 1874, l’abbaye est enfin restaurée. Elèves de Viollet-Le-Duc, les architectes Corroyer, Petitgrand et Gout se succèdent à la tête de ce vaste chantier, achevant en 1897 la silhouette du Mont par une fine flèche néogothique surmontée de la statue de l’Archange du sculpteur Frémiet.
Relié à la côte par une digue en 1878, le village connaît un renouveau spectaculaire avec le développement du tourisme, renouveau spirituel enfin avec les célébrations du millénaire monastique en 1966 et l’installation en 1969 d’une petite communauté religieuse dans l’abbaye.
Pélerins et pèlerinages
« Les marcheurs de la foi » ont tracé un réseau de chemins convergeant vers le Mont-Saint-Michel et reliant entre eux les grands sanctuaires de la Chrétienté.
Le bourdon à la main, revêtus d’une large pèlerine et d’un chapeau les protégeant des intempéries, les pèlerins se reconnaissaient à la coquille, emblème commun au sanctuaire de Galice.
Seuls ou en groupes, les pèlerins recevaient l’hospitalité des établissements religieux jalonnant les chemins (hôtels-Dieu, abbayes, prieurés…) ou couchaient à l’auberge s’ils en avaient les moyens.
Après une traversée des grèves pleine de périls, ils montaient la rue bordée d’auberges et de boutiques, jusqu’aux portes de l’abbaye. Puis leurs dévotions achevées, ils repartaient après avoir acheté dans les échoppes du village chapelets, rubans et enseignes, souvenirs de leur pèlerinage accompli.
Pèlerinages et saint Michel en Europe
Aux alentours de l’an mil, selon le chroniqueur bourguignon Raoul Glaber, le Mont-Saint-Michel faisait « l’objet de la vénération du monde entier ». Les documents d’archives parvenus jusqu’à nous confirment que les pèlerins venaient en effet de toutes les provinces de France et de plusieurs pays européens.
Originaires d’Ecosse et d’Irlande, ils traversaient l’Angleterre, puis la Manche en bateau. Beaucoup venaient également du sud, d’Espagne et d’Italie.
De nombreux témoignages autres concernent surtout des Pays germaniques (Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Belgique,…). On en connaît également quelques uns pour l’Europe de l’Est (Pologne…).
Le premier pèlerin connu est un moine franc, nommé Bernard, qui au retour d’un voyage au Monte Gargano, à Jérusalem et à Rome, en compagnie d’un moine italien et d’un espagnol, se rendit seul au Mont en 867-868.
Cette très importante fréquentation du Mont dès le Haut Moyen Âge (IXe-XIe siècle) est d’ailleurs contemporaine de l’établissement du réseau des chemins montais dont la première mention connue date de 1025.
De nombreux autels et églises lui furent dédiés en Italie, en France, en Allemagne, en Angleterre, en Espagne…au travers de toute l’Europe jusqu’en Irlande et en Russie. La présence de ces lieux de culte est généralement attestée sur des sites élevés exceptionnels, propres à frapper l’imagination des hommes. On a ainsi très souvent parlé du « culte aérien » de l’Archange.
EN ITALIE
Le culte de saint Michel est très important en Italie avec deux de ses plus grands sanctuaires de pèlerinage : Le Monte Gargano, où l’Archange apparut à la fin du Ve siècle et demanda qu’on lui construise une église, et la Sacra di San Michele, en Piémont, à mi-chemin entre le Mont-Saint-Michel et le Monte Gargano.
Très importante en Italie du Sud (Pouilles, Campanie), du fait de la présence du Monte Gargano, la dévotion à saint Michel était aussi très présente en Italie du Nord. Dès le VIIIe siècle, il était le patron national des Lombards.
Cette dévotion sera d’ailleurs reprise par Charlemagne quand il sera couronné roi des lombards à Pavie et protecteur du pape. Elle se diffusera ensuite dans tout l’Empire carolingien.
DANS LES PAYS GERMANIQUES
L’Archange est aussi considéré comme le protecteur du peuple allemand depuis l’époque carolingienne, son culte aurait été répandu par saint Boniface au VIIIe siècle quand il convertissait les Saxons au catholicisme et son culte s’inscrira dans la tradition carolingienne.
DANS LES ILES ANGLO-SAXONNES
Dans le monde anglo-saxon, saint Michel était connu et vénéré très tôt. Son culte aurait d’ailleurs été diffusé par les missionnaires irlandais qui ont essaimé dans toute l’Europe occidentale et fondé de nombreux établissements religieux (abbayes, etc.).
En Irlande, son sanctuaire le plus connu, Skellig Michael – ou rocher de saint Michel - était l’objet d’un important pèlerinage. C’est sur ce site spectaculaire d’une île escarpée que vivaient des ermites priant l’Archange.
En Angleterre, la dévotion à l’Archange a connu un nouveau développement après la conquête normande de 1066. Saint Mickael’s Mount en Cornouailles était un prieuré montois, réplique du sanctuaire normand et but d’un pèlerinage.
En 1222, l’archevêque de Canterbury a ordonné dans tout le royaume la célébration solennelle du 16 octobre, jour anniversaire de la dédicace de l’église du Mont-Saint-Michel par saint Aubert.
EN BELGIQUE
En Belgique, d’où provenaient beaucoup de miquelots, saint Michel était vénéré depuis l’époque carolingienne.
Il est notamment le saint patron de la ville de Bruxelles. Sa statue domine depuis 1454 la flèche de l’hôtel de ville et c’est le premier patron de la cathédrale.
EN ESPAGNE
La diffusion du culte à saint Michel se fait au début du VIIIe siècle, où en tant que chef des milices célestes triomphant du Mal, il était associé à la lutte contre les Maures.
EN CONCLUSION...
Le rayonnement européen de ce pèlerinage s’est poursuivi au cours des siècles et nombreux sont les souverains, les seigneurs et les simples fidèles à être venus prier l’Archange sur son rocher sacré.
Les chemins normands
Parmi les chemins normands, deux traversent le territoire des Vallées d'Auge et du Merlerault :
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